Je dois vous l’avouer, j’ai assez majoritairement détesté l’école.
Au début, pendant une période je l’ai aimé mais je n’ai pas pu y aller, puis tout s’est trop vite enchainé. Sans jeu de mot.
J’ai beau chercher dans ma mémoire, les moments d’ennuis, de peurs, de stress, de sentiment de perte de temps dominent les rares moments de plaisir.
Tout, depuis la boule au ventre le lundi matin, le chemin de l’école, très, trop tôt, jusqu’à la cantine, en passant par les cours, les interrogations surprises ou pas, tout a été une expérience dont je suis heureux d’être sorti. Depuis petit jusqu’à l’université où j’ai pu m’échapper bien vite, tout a été un exemple incroyable de la notion de User Experience” … ou plutôt de son absence totale; Ici l’intérêt de l’enfant est un paramètre comme d’autres.

Tout a été mauvais dans mon expérience ?

Bien sûr, il y a eu des rencontres intéressantes.
Des Enseignants avec un E majuscule. Ce genre de personne qui font que vous avez envie d’avoir de bons résultats, qui savent vous motiver, vous intéresser.
Il y a eu aussi des choses intéressantes à apprendre : lire, écrire, compter … la base.
Vraiment ? J’y reviendrais.
Et puis sans doute, il y a eu tout un ensemble de choses qui ont participées à me construire et dont je n’ai pas forcément conscience. Des matières ennuyeuses à l’époque, dont je ne comprenais pas la finalité. Peut-être tout simplement mal enseignée, mais qui m’ont sans doute données une sorte de transversalité et de … culture générale, en plus de l’aide à l’amélioration de mon “muscle” cérébral.

La culture du général

Comme le dit très bien @marcolanie a l’une de mes remarques sur twitter :

ah, cet amour des politiques pour les formules magiques… les dates d’histoire par coeur, la table de multiplication dès la maternelle, le cours de morale et la science des ânes … et si, au lieu de faire de l’enseignement, on en revenait plus simplement à l’éducation ?

Le nouveau Président a donné, à juste titre, l’éducation comme priorité (enfin je crois). Le ministre de l’éducation est un spécialiste (enfin je crois) et … l’information du jour tombe :

Le ministre de l’éducation nationale (les mots ont un sens)annonce la révolution: une dictée par jour !

A première vue, cela a la couleur d’une bonne idée. Cela a l’odeur d’une bonne idée. Cela ressemble à une bonne idée, mais … c’est un peu comme la publicité Canada Dry :

Ma première pensée a été aux enseignants, qui vont devoir gérer cela avec tact … 😉 et avec le fouet. Intéressant. Heureusement qu’ils ont énormément d’heures de cours à leur disposition … (c’est du 2ème degré). “Une dictée par jour” pour quelles classes ? pendant combien de temps ? n’est-ce pas beaucoup ?
Ceci dit, entre une dictée par jour et les cours de stand-up, j’en arrive presque à me demander lequel est le plus indispensable. 😉 Est-ce cela la différence de compréhension du sujet par les gouvernements successifs ?
Je plaisante bien sûr. Lire est essentiel. Mais n’est-ce pas une erreur, ou pour le moins une régression (une vision passéiste, digne des moines copistes ou de Jules Ferry) de considérer, comme le ministre, que la lecture est à la base de tous les enseignements ?

Vous allez, sans doute, me dire qu’il vaut mieux en revenir à ce qui fonctionne (ah bon ?) dans le passé, quand plus rien (ah bon ?) ne fonctionne dans le présent.

Un constat sans appel: OUI, il faut faire quelque chose

Le système éducatif Français parvient à produire des jeunes qui en sortent en ne sachant pas lire ou très mal. Certains diront qu’il ne fonctionne pas. Et d’autres diront le contraire en citant des contres exemple. Et on continuera un débat stérile. Le problème n’est pas de savoir qui a raison mais plutôt de se au travail pour permettre concrètement d’améliorer le système, par touches successives et inspirées, comme l’ont fait d’autres pays.
Mais déjà, a t-on une idée de combien de jeunes sortent du système :

  • sans savoir écrire, s’exprimer, avoir une formation à la pensée critique qui permet d’éviter de gober n’importe quel propos du moment du moment qu’il soit répété suffisamment fort ?
  • sans savoir compter un minimum, sans avoir besoin d’une machine pour faire une simple addition et je ne parle pas bien sûr d’une règle de trois ?
  • sans savoir s’exprimer dans une autre langue que leur langue maternelle ?
  • sans avoir un minimum d’enseignements élémentaires qui permette ensuite de se construire un peu mieux ?

En répétant les erreurs passées, on ne change strictement rien.

… avant de tous mourir 😉

A l’heure de la fameuse IA (Intelligence Artificielle), n’allons-nous pas produire des générations obsolètes ?

L’IA va participer au formidable travail de formatage et de lobotomisation comme jamais auparavant. L’IA nous évite l’effort d’un apprentissage, d’une réflexion, d’un raisonnement. L’IA va devenir notre pensée en nous imposant sa logique obscure, contrôlée par d’autres, grâce à des informations disponibles que nous ne savons plus utiliser et qui deviendront pertinentes grâce aux données que nous produisons et dont nous ne savons que faire.

 

 

 

La lecture suffira t-elle, à l’heure où n’importe quel ordinateur à cette capacité ?
Je ne veux pas tomber dans le défaitisme l’alarmisme de @dr_l_alexandre, mais force est de constater que l’école, en nous proposant à contretemps ce qui ne convient plus, sera un problème, plus qu’une solution.
Et sur tous ces enjeux, ce que je vois de ce qui est proposé ne changera pas grand-chose, tant encore une fois, on semble s’attaquer plus aux conséquences qu’à leurs causes en privilégier les moyens, le sensationnalisme aux buts.

Et oui, pour moi, le ministre se trompe de priorité, de méthode et d’ambition

Au delà de la dictée, la priorité du ministre est la lecture car elle est (sic) au “fondement de tous les autres apprentissages”,
Je dois dire que j’ai eu un petit coup au coeur en lisant cela, tellement c’est conventionnel, voir faux.
Je ne remets pas en cause l’intérêt de la lecture et son utilité dans la transmission du savoir, même si c’est négliger toute une tradition millénaire de peuples qui n’ont pas eu ce besoin. OK, bien sûr, ils n’ont pas inventé la quête du profit à tout prix, ni même la pollution et les destructions massives de tout ce qui gêne. Mais sont-ils dans l’erreur, pour autant ?
A vrai dire, ce que le ministre dit est tellement conventionnel à l’heure de l’urgence qui imposerait une véritable vision disruptive de l’école, que cela fait peur. L’école, il faut la hacker, la modifier e
n profondeur, la repenser en TOP DOWN et non faire de petites améliorations sporadiques, superficielles en bottom up. A ce ministre conventionnel, et qui est peut-être les limites de l’exercice, j’aurais préféré un ministre plus ambitieux qui propose l’ECRITURE comme un but, fondement de tous les autres apprentissages.

Oh, j’en vois qui pensent qu’imposer une dictée c’est savoir écrire. Ecrire ne permet pas d’éviter de savoir lire. L’écriture rend la lecture indispensable. Le contraire n’est pas vrai. Pour savoir écrire, s’exprimer, exposer ses idées, il faut bien sûr savoir lire. Il ne faut pas s’arrêter en chemin, comme si la lecture seule était suffisante.

La lecture est intéressante quand elle permet de mettre des mots sur des idées, puis ensuite de savoir que nous ne sommes pas exclus du champ de la pensée. Trop souvent, on en oublie de réfléchir, de construire une pensée critique pour déjà juste tenir debout tout seul !
Et cela … ceux qui sont chargés de penser pour nous, passés par l’ENA, l’ENS ou d’autres machines à “bien” penser savoir ont du mal à le comprendre, voir à l’admettre. Inconsciemment, je l’espère.
Nous sommes plus compliquée et moins bien lotis. A nous le par coeur, la morale, la dictée, les fessées aussi et aux autres l’apprentissage de l’apprentissage, l’accès à la connaissance ? A nous des datas, à eux l’information. Je force le trait, bien sûr. Il n’y a plus de fessées. 😉

Voilà le résultat quand on privilégie trop l’enseignement à l’Education …

Eduquer ? ça n’est pas notre rôle !

Pire encore, on fait croire aux enseignants, qui le répètent à loisir qu’ils ne sont pas là pour éduquer. Pas là pour remplacer le rôle de parents c’est certain, mais parfaitement là pour assurer une mission magnifique d’Education, bien sûr que oui et 1.000 fois oui. Folie de penser le contraire et ne pas comprendre que l’enseignement est un sous ensemble de l’Education.

L’enseignement est à l’Education ce que le site Web est à l’Internet.
Et l’Education nationale ? c’est quoi alors ? une mission ou une administration. L’Education nationale serait une chance d’un savoir faire Français et d’un rayonnement international. Au lieu de cela, on la considère comme un Mammouth. On en fait une structure usée jusqu’à la corde en panne d’ambition et de sens.

Alors on fait quoi ?

S’accorder sur les buts et donc l’ambition et les moyens

Il est essentiel de partager les mêmes objectifs et déjà de se retrouver dans une définition du rôle de l’école. S’il est trop tard pour avoir Maria Montessori comme Ministre de l’Education, peut-être pourrait-on au moins avoir Antonella Verdiani comme conseiller influente. (c’est à dire écoutée)
Je vais re-citer ce qu’elle dit tellement cela me parait essentiel et tellement mon billet sur le sujet n’a pas eu l’audience qu’il ou plutôt qu’elle méritait :

L’école sert … à donner à nos enfants les clefs pour transformer le système, et non pour le reproduire.

L’avenir appartient aux enfants. L’école doit donc leur donner les outils pour se fabriquer l’avenir qu’ils voudront avoir.

On est d’accord ?

Think outside the box !

Il y a 1.000 approches avec énormément de gens compétents sur le sujet, avec des réussites et des échecs. Et il y a des pays qui sont censés réussir mieux que nous (Europe du Nord, Singapore, la Corée du Sud, la Chine même …)
Allons-nous les singer et tenter d’appliquer ce qu’ils ont mis des années à parfaire pour ensuite découvrir que cela ne fonctionne pas car nous serons hors temps, hors contexte, en un mot: hors sol, en ayant été incapables de penser pour nous, par nous ?
Nous en avons malheureusement l’habitude, les réflexions sur Saclay et la Silicon Valley à la Française en sont une belle illustration.

Il serait simple de vraiment changer les choses et pas juste à base d’une dictée (qui est quand même de l’ordre de la méthode habituelle d’enseignement, si je ne m’abuse) ou d’un cours de morale ou d’un peu plus ou moins de sport. Si déjà nous pouvions nous entendre sur :

  1. la place des enseignants, leurs rôles et leurs valorisation. On ne devrait jamais confondre un chercheur avec un enseignant. On bousille des générations entières à cause de gens qui ne sont peut-être pas mauvais côté “scientifique” mais qui sont des quiches complètes coté pédagogie et humain. Un chercheur ne devrait pas être un graal et un enseignant ou pire pour certains: un instituteur, un moins que rien. On marche sur la tête. L’échelle d’utilité et de reconnaissance devrait même être inversée. Combien de chercheurs trouvent et “changent le monde” ? Les enseignants eux trouvent tous les jours des problèmes et doivent les résoudre. Ils changent le monde réellement. Je ne dis pas que le chercheur est inutile, mais que l’enseignant est essentiel.
  2. Ensuite, s’entendre sur les enseignements qui devraient être la priorité numéro un.  Il n’y a pas à privilégier une lecture effrénée d’ouvrages parfois rebutants pour ensuite s’apercevoir que l’on ne sait plus écrire, compter … voir même parler une langue étrangère essentielle comme l’anglais ou l’espagnol. (je ne parle pas bien sûr du Chinois). Ensuite le reste devient logique et une sorte d’illustration pratique des enseignements de base la poésie, les mathématiques, la géométrie, la physique …
  3. Enfin, mettre à la poubelle ce qui ne fonctionne pas. Les enseignants le savent très bien. Pourquoi se passer d’eux ? Un exemple: l’apprentissage de la lecture par la méthode globale … quelle réussite ! 🙁

J’ai fait un rêve

Le rêve :

  • … d’une école qui serait un ensemble cohérent entre la théorie, la pratique et la vie. Une sorte de mixte entre une école type Montessori et un fablabs et qui n’aurait pas renié ce qui fonctionne bien dans la fameuse école de la république. 
  • … que le respect et la bienveillance soient les valeurs centrales.
  • … que l’on se soucie d’Education, avec un grand E, avec toute la transversalité nécessaire à la construction d’un humain.
  • … que l’on puisse y apprendre les trois savoirs essentiels, dès le plus jeune âge, sans avoir à “perdre” de trop nombreuses années : le savoir, le savoir faire et le savoir être.
  • … d’une école où la création prendrait le pas sur la répétition. Où l’autonomie et la coopération remplaceraient à tout jamais le formatage, la dépendance et la compétition.

Oui, Antonella Verdiani a raison :

« L’école doit permettre aux individus d’être hors normes, de mettre en œuvre un monde qui leur convient, nouveau et différent de l’ancien s’ils le veulent. »

« Si l’école actuelle a été pensée pour créer des individus prédéterminés, des soldats, des ouvriers ou des technocrates, alors elle est biaisée. »x@

En fait, j’ai l’impression que tout a déjà été dit. Il serait vraiment temps de changer l’approche avant de se prendre … The Wall

PS: oui c’est l’image de l’école de la petite maison dans la prairie. Comme le disait un ancien candidat à la présidence de la république: “Et alors ?” 🙂

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