Cette histoire de Deepseek, dont certains découvrent l’existence la semaine dernière est absolument pathétique. Elle est le symbole parfait de la situation actuelle : aucune anticipation, aucun plan B, aucune leçon tirée du passé. Je ne parle même pas qu’un simple bruit (Deepseek fait mieux et moins cher) “efface” sur le marché la valorisation de LVMH et de L’Oréal … cela en dit long sur l’état de schizophrénie et du non maitrise de la situation au travers du fast trading et des peurs, dans lequel nous sommes.
Mais le plus grave n’est pas là. Tout ce que je lis jusque là, avec les “gourou tech yakafokon” est absolument sidérant. On n’apprend rien de nos erreurs. On en est toujours à sous estimer l’autre et d’essayer de recopier ce qu’il fait en espérant, avec 3 trains de retard, sans ses atouts, en négligeant les nôtres et avec nos faiblesses, faire mieux. Non mais on rêve ?
A un moment, comme le dit la chanson, si cela continue, faudra que ça cesse.
Jusqu’où faut-il boire la coupe ? Cela ne tomberait-il pas bien à un moment très particulier, celui du fameux rapport Draghi. Pratique pour faire passer la pilule, l’Europe expliquer qu’elle a un plan. Elle avait prévu. Et ce rapport. Vous l’avez lu ? Franchement, c’est à mourir de rire non ? On se moque de qui ?
Ceci dit, quand on voit les “contributeurs“, on comprend mieux. On va dire que c’est un machin pour les grands, qui rêvent que l’on revienne aux 30 glorieuses et qui ne peuvent pas un instant imaginer que 50 garnements Chinois dans leur garage, payés le quart d’un mauvais ingénieur logiciel de la Valley puissent faire mieux que tous nos brillants cerveaux que l’on a, nous, en Europe.
Tiens d’ailleurs c’est vrai, la Chine et l’Inde, pas de problème, on va les mettre au plis avec nos quelques centaines de génies qui sortent de l’ENS et de Polytechnique … quand eux en génèrent (et aux Etats-Unis aussi) des dizaines de milliers à partir de GRANDES Universités. Si tant est que nos génies de la France veuillent s’abaisser à “faire du logiciel” bien sûr … Heureusement, les Chinois, cela fabrique nos slips et les Indiens des Naan Cheese, c’est bien connu. (ndlr: on peut s’enorgueillir d’avoir au moins UN Français dans de nombreuses sociétés de la Silicon Valley mais qui dirige Microsoft, Google … ?)
Bref, je lis des idioties je suis désolé et je vais debunker, comme ils disent, car les “gourous” commencent vraiment à fatiguer sévère :
1/ Non deepseek n’est pas une bonne nouvelle pour l’Europe.
Certains disent que cela permet de rabattre les cartes et démontre que l’on peut faire plus avec moins … Alors d’abord ça ce n’est pas nouveau. C’est même un sport national de faire avec des bouts de chandelle. Il y a un facteur 10 entre la France et les Etats-Unis par exemple. Avant c’était plus simple, il n’était que de 1 Franc versus 1 $. Mais sérieusement, vous découvrez aujourd’hui la notion de PROGRES TECHNIQUE ? Je ne parle pas d’innovation car ça ça m’agace, vous allez comprendre (et le rapport Draghi fait aussi cette erreur).
L’innovation n’est pas un but, c’est à peine un moyen.
Vous pensez vraiment que les Chinois de Deepseek se sont réveillé un matin et se sont dit … tiens, on va faire de l’innovation. Mais NON. C’est un projet politique et préparé depuis un moment. C’est une ambition, c’est une passion, c’est un plaisir, c’est en engagement, c’est une fiereté. Renseignez-vous ! Ecoutez leur patron. Il n’y a aucune surprise à avoir. Bien sur que les cartes ne sont pas figées, sauf pour un éternel perdant: nous autres en Europe. Je dis fort malheureusement nous car j’y crois encore un tout petit peu et que j’ai encore des intérêts économiques et encore un peu de coeur ici.
Alors pourquoi je dis que c’est une mauvaise nouvelle ? Parce que c’est juste la démonstration d’encore un train raté. Pourquoi l’Europe ne l’a pas fait ? Elle ne l’a pas fait car il aurait fallu des ENTREPRENEURS (assez absents du rapport Draghi sauf erreur de ma part), qui fassent un plan top down et qui aient des moyens et non pas des plans sur la comète. Les Chinois l’ont fait et avec des moyens qui étaient à notre portée. (en ressource financière, humaine et logistique). Mais nous, on ne l’a pas fait. On pérore, on donne des leçons au monde entier avec notre IA éthique de peut être un jour.
2/ et ce n’est même pas une bonne nouvelle si c’est ce que nous devons faire pour ceux qui le préconise.
S’ils étaient aussi inspirés et intelligents, ils étaient où avant ? ils faisaient quoi ?
Cela fait 40 ans que je dis que l’une des clefs c’est le LOGICIEL. Il est porteur d’énormément de choses. Il y a 40 ans, quand j’ai voulu m’inscrire à mon centre des impôts comme “auteur“, quand mon interlocuteur m’a demandé ce que j’écrivais. Elle m’a devisé en me disant que je n’étais pas Victor Hugo quand même … Que de chemin parcouru non ? En fait pas vraiment. Un peu, juste un peu. Pas assez, pas assez vite.
3/ Le plus amusant continue … on est vraiment des imbéciles car en plus de se permettre de donner des leçons au monde entier, on se moque des autres.
Je parle des Etats-Unis. Et de M. Trump avec son plan à 500 milliards … et qu’il n’a rien compris … et que cela ne sert à rien … et qu’on va faire mieux avec 3 clopinettes et 2 éclopés et Linagora en plus. Heureusement on fait de la Deep Tech. On est brillants. On a le CNRS qui se préoccupe de Quitter Twitter. CA c’est de l’innovation !
Vous pensez vraiment que les Etats-Unis sont paralysés par la nouvelle et restent les bras croisés ? Vous avec une idée des apports de Meta par exemple sur le sujet et l’argent bien mieux investi dans l’écosystème de l’IA que ce que ne fait le CNRS quand il paye le salaire de Monsieur Lordon pour nous expliquer qu’il faut détruire la société ?
J’ai l’impression que vous allez découvrir le “business model” des Etats-Unis. C’est de la puissance brute alliée à un pragmatisme à toute épreuve. Comme les Chinois qui ne fabriquent plus des jeux de plage en plastique car il n’y a pas assez de valeur ajoutée (et le leader est français …), les Etats-Unis n’y vont que s’il peut y avoir une différenciation par la puissance. La puissance amène les barrières à l’entrée bien mieux que la réglementation qui peut changer à chaque instant. Chacun son truc !
Mais ne pensez pas un instant qu’il ne s’agit que de puissance … il y a de l’intelligence aussi avec, derrière et devant. Ne vous en faites pas pour eux ! Et il y a surtout le pragmatisme. La capacité à se remettre en cause très rapidement. De repartir sur d’autres bases et … de réussir. A ce sujet, vous voulez que l’on parle des atouts de l’Europe versus les USA, comme je l’ai lu dernièrement ou encore un gourou yakafokon disait qu’il fallait capitaliser sur l’énergie (ceci dit, c’est un vrai sujet), l’aérien de qu’on est très bon et la construction (pour les datacenters).
Hummm … Après avoir bousillé l’énergie, il ne faudrait plus que mettre à terre Airbus, car je ne pense quand même pas que le gourou pensait à la vitesse de réaction et aux capacités de lancement d’Arianne Espace … Peut être qu’Elon Musk va s’occuper de Boeing pendant que M. Trump va s’occuper du Canada, de l’énergie là bas (pétrole et hydro électrique), il pourrait même construire beaucoup de Data centers au lieu d’hotels à son nom, vu l’intérêt du froid là bas 😉
Alors on copie quoi ? J’ai bien peur qu’on ne mette beaucoup d’argent dans des infrastructures dépassées qui vont profiter à quelques uns (chouette un nouveau Bull ?) et que l’on fasse comme d’habitude pour la partie logiciel: on saupoudre à droite et à gauche. Un peu en Allemagne, en Italie, en France et j’en passe. Un peu en province, beaucoup à Paris avec des gens qui vont faire la même chose et arriver sans doute au même résultat pour les meilleurs et à rien pour la plupart. Cet argent dilapidé ne servira pas à rien, rassurez-vous. Il sera productif à 10% pour un résultat logiciel. Le reste partira en frais de gestion, en locaux, en taxes, en coordination entre centres de recherche, grandes entreprise et petites, (parce qu’on va nous refaire le coût (jeu de mot), en conseillers divers et variés, en comptables, en gestionnaires … et pendant ce temps là, les autres avancent. Et pendant ce temps là, ce qui était l’une des phrase principale du rapport Draghi et du pourquoi j’avais un peu d’espoir, est vite oublié : l’attractivité de l’Europe, retenir les talents.
Rester et jouer en troisième division ou partir avec les meilleurs ?
Enfin nous, on a déjà répondu à la question dont la réponse est pour une fois “en même temps”. On est parti mais on est aussi resté pour retenir du mieux que nous le pouvons les talents et développer les atouts qu’il nous reste encore un peu en Europe. Mais à force de scier la branche, tout est de plus en plus difficile. Pour beaucoup la question ne devrait pas se résumer à rester ou partir … mais tel est la question :