Après la vache folle en 1985, la dissolution de l’assemblée nationale en 1997, la tempête de 1999, la bulle dite Internet de 2000, le 11 Septembre 2001, le SRAS en 2003, les crues de 2005, l’année 2009 promet que l’on dépasse toutes les plaies d’Egypte réunies :la tempête encore, la crise mondiale, l’hadopi, les tremblements de terre, la grippe du porc …
… et maintenant, 27 Avril 2009, 17 heures et des poussières, l’an I de l’Internet nouvelle génération a sonné, j’ai nommé :
LA LOPPSI : la loi pour la performance de la sécurité intérieure !!!
Je veux parler plus exactement de l’article 6 de la LOPPSI qui doit modifier la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique.
De quoi s’agit il ? et bien tout simplement de prévoir un dispositif qui (et je cite l’un des commanditaires qui signe par délégation pour le Ministre (de l’Intérieur, de l’Outre Mer et des collectivités territoriales), « impose(r) aux fournisseurs d’accès à Internet l’obligation d’empêcher sans délai l’accès aux contenus illicites dont les adresses électroniques sont désignées par arrêté du ministre de l’intérieur sous peine d’un an d’emprisonnement et de 75.000 euros d’amende.» (fichtre !!)
Je ne sais pas si vous saisissez très bien la portée du sujet … mais il s’agit ni plus ni moins de l’enterrement en première classe de la notion de Neutralité d’Internet, d’ouverture et tout ce qui faisait la valeur intrinsèque de cette formidable aventure qui m’a occupé pendant quasiment 10 ans et transformé ma vie.
Si vous êtes un lecteur fidèle de mon blog, vous savez que ces principes me sont chers, sinon, je vous propose de passer un peu de temps sur ce blog pour mieux comprendre les concepts fondateurs d’Internet.
Maintenant vous pouvez pensez qu’il s’agit d’élucubrations d’une personne un peu idéaliste et sans grand rayonnement et je vous invite alors à lire quelqu’un de moins jeune que moi et de beaucoup plus connu : Monsieur Vinton Cerf lui même. Il déclare et nous sommes très nombreux à y souscrire :
“If it isn’t open, it isn’t the Internet.”
S’agissant d’ouverture et de neutralité, vous pouvez deviner mon plaisir lorsque j’ai appris que le Ministère allait consulter la CCRSCE (placée auprès de l’ARCEP et maintenant appelée CCCE) dont je suis membre, au sujet de cet article 6. En effet, il n’est pas si courant que l’on consulte de vrais professionnels de la profession, des groupements d’utilisateurs et des personnalités qualifiées pour mieux saisir la portée d’un sujet difficile et complexe d’une loi « en i » …
La CCRSCE se réunissait donc lundi dernier, lundi 27 Avril à 15h00, j’avais préparé le sujet, car je voulais optimiser mon temps de parole au maximum. J’avais donc passé 4 jours à préparer cette intervention, conforme à mes idées de citoyen, d’entrepreneur, d’internaute, de bâtisseur de morceaux d’Internet et … de père de famille (et oui … car je suis aussi concerné par ce biais). Bref, c’était quand même un peu important pour moi, vous pouvez l’imaginer sans peine.
- Je pensais que nous allions être nombreux à discuter le sujet, vue l’étendue des compétences et de la responsabilité de mes confrères, autour de la table : opérateurs, associations, membres du gouvernement, ARCEP …
- Je pensais que ce sujet, pour moi, beaucoup plus important encore que celui de l’Hadopi, allait mériter le débat qu’il lui convenait, tant il allait structurer notre futur, celui de nombreux acteurs et même de notre pays.
- Je pensais que nous allions aborder le fond et qu’il n’allait pas simplement passer « comme une lettre à la poste ».
- Je pensais que le Ministère, à la lueur de nos éclaircissements et en tirant enseignement de la gestion catastrophique du dossier Hadopi allait se dire qu’il fallait revoir la copie.
Je me suis mis à espérer … un miracle …
Et bien non. Il a été, au mieux, rappelé, que ces mesures auraient un coût direct et qu’il faudrait bien que le gouvernement mette la main à la poche pour compenser ses (j’ai bien écrit “ses”) mesures régaliennes.
Les associations d’utilisateur … le néant absolu. Rien dit. Rien compris ? Vraiment dommage que l’UFC Que Choisir n’ait pas été là. Mais surtout … le président actuel de la CCRSCE m’a fait regretter au plus haut point les échanges et l’ouverture que je pouvais avoir avec son prédécesseur.
A la fin de mon intervention, un silence profond c’est installé … le mal – aise était palpable … « Mais c’est qui ce gars qui se permet de dire de telles choses, voir de ne pas être d’accord avec une volonté ministérielle et peut être même d’encore plus haut ?»
Voyant que rien ne venait et que la discussion tournait en rond, j’ai quand même repris la parole pour re-préciser les choses et leur importance. Pour moi notre noble comité est important car il est celui qui est consulté, avant que la loi (sur les réseaux et services de télécommunications) ne devienne loi. Sinon, à quoi servirait-il que Ducros se décarcasse me diriez vous. Pourquoi consulter, si c’est pour écouter ?
C’est la différence entre «entendre» et «écouter» …
A la suite de ma deuxième intervention … le président de la CCRSCE a été obligé de rappeler que l’on ne nous consultait pas sur le fond de la loi, mais sur les conséquences pour les opérateurs et à la marge sur les points techniques ???
Ah bon … ? Je n’avais pas la même vision de la chose et de son utilité. Sans doute une fois de plus mon coté altruiste et mon sens de l’intérêt général … Mais à bien y réfléchir, c’est quand même faire peu de cas des ⅔ de l’assemblée qui ne sont pas des opérateurs. Et quand bien même … on n’a même pas discuté des conséquences pour les opérateurs eux-même. On est resté bien superficiel, à ne traiter que l’écume de la mousse et encore.
Je n’avais encore jamais connu cela. Si … une seule fois, en 1999, encore et toujours au sujet de l’Internet, lorsque le sur-réalisme d’un pseudo débat m’a forcé à me lever et à partir pour éviter de perdre plus de temps et pire encore cautionner de ma présence de telles élucubrations.
Et bien je me suis cru revenir 10 ans en arrière, devant le peu de cas de mon propos, devant le traitement superficiel du sujet … d’importance quand même : « la régulation des réseaux de télécommunication et de l’Internet». A la fin de la prise de parole du président de la CCRSCE qui “recadrait” le débat et avant la fin officiel de l’office, j’ai rangé mes affaires, je me suis levé et je suis parti.
Attention de ne pas interpréter ce départ comme un abandon. Il s’agit d’oser montrer ma réprobation et de clairement faire comprendre que le sujet est d’importance et qu’il doit se poursuivre ailleurs … et nous avons été deux à le dire … chez les députés, sans doute, encore une fois.
Puisse les Sénateurs sortir de leur sommeil et ne pas faire comme pour l’Hadopi.
Puisse les Députés avoir encore un peu d’énergie pour faire un aussi bon travail pour la Loppsi que ce qu’ils ont fait pour l’Hadopi car in finé … si la Loppsi passe en l’état, tout ce travail aura été bien inutile ….
Je l’avais dis, j’avais prévenu … nous entrons dans la phase II du conflit et cela se durcit.
Le soldat Internet est plus que jamais attaqué de tous les cotés et il faut le sauver.
Le pire c’est que tous ceux qui ne voient pas l’évidence ne voient pas non plus qu’un jour ou un autre, nous en aurons assez et nous irons exprimer notre énergie, nos savoir faire, nos relations ailleurs et sur les réseaux, d’autres gens, dans d’autres pays. Je me demande si les opérateurs présents dans la salle ce lundi seront alors très heureux de ce résultat … lorsque nous serons tous Google ou Amazon hosted ou lorsque nous serons installés dans des pays plus ouverts, avec une meilleure lisibilité entrepreneuriale comme les Etats-Unis, les Pays-Bas ou la Chine même !
Je plaisante pour ce dernier bien sur car il n’a évidement pas la même définition du concept de régalien que nous … (vu sur wikipedia que décidément j’adore. Cette définition est merveilleuse tant elle nous fait comprendre la différence entre les moyens et le but !) :
Régalien, ne – du latin rex, regis, roi – est un terme emprunté à l’Histoire et qui définit ce qui est attaché à la souveraineté (peuple, roi, selon les régimes politiques). D’où « fonctions régaliennes » qui regroupent les attributions propres au pouvoir souverain. Tous ces pouvoirs sont à la disposition de l’État comme des instruments au service d’une politique. Elles visent à maintenir la paix, l’ordre public, la sécurité des territoires pour permettre aux individus d’exercer leurs libertés.
Le plus drôle, car il faut bien sourire est que la personne du ministère de l’intérieure qui nous a porté la parole m’a rejoint à l’ascenseur lorsque je suis sorti en avance. Je pensais qu’elle voulait des éclaircissements, me revoir, en rediscuter … Non, elle partait juste après son intervention et elle a dû partager l’ascenseur, 17 étages, avec un dangereux extrémiste comme moi 😉
Nous avons donc dû échanger quelques mots, car je suis un garçon poli …
Lui faisant remarquer que l’un des effets de ce qu’ils veulent faire sera de causer plus de travail aux gens chargés de repérer les délinquants, qui se protégerons mieux, elle m’a coupé les deux bras et presque les deux jambes en me rétorquant «mais on les (les délinquants) connaît … on les a déjà repéré» ……….
Etonnant non ?
J’ai vraiment l’impression que nous ne vivons pas tous sur la même planète et qu’il serait temps d’atterrir parce que là … ça devient gênant, comme le disait Audiard …
C’est aussi lui qui disait,
« il vaut mieux s’en aller la tête basse que les pieds devant ».
En tous les cas, j’ai resorti mon vieux pins, acheté à Las Dalias en 1972 😉 et je le portais aujourd’hui. Je le porterais à toutes les prochaines CCRSCE. Cela sera plus efficace que ma démission de cette noble assemblée …
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